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Etude CASSINI: Rivaroxaban for Thromboprophylaxis in High-Risk Ambulatory Patients with Cancer ( Dr Imtinen Ben Mrad )

Alok A. Khorana, M.D., Gerald A. Soff, M.D., Ajay K. Kakkar, M.B., B.S., Ph.D., et al., Rivaroxaban for Thromboprophylaxis in High-Risk Ambulatory Patients with Cancer. N Engl J Med 2019 ; 380 :720-728.

OBJECTIF

Evaluer l’efficacité et la sécurité de la thromboprophylaxie par rivaroxaban (Xarelto) chez des patients atteints d’une tumeur solide ou d’un lymphome ayant un score de Khorana ≥ 2 et débutant un nouveau traitement ambulatoire par chimiothérapie.

 

MÉTHODES

Il s’agit d’une étude multicentrique réalisée dans 11 pays et 140 centres, randomisée de phase III en double aveugle, comparant le rivaroxaban au placebo chez les patients adultes ambulatoires atteints d’une tumeur solide ou d’un lymphome qui initient une thérapie systémique contre le cancer et qui présentent un risque intermédiaire ou élevé de MTEV (score Khorana ≥2).  Les patients inclus ont été randomisés pour recevoir quotidiennement soit 10 mg de rivaroxaban (une fois /jour) soit un placebo (en 1 prise par jour) pendant 6 mois s’il n’y a pas de signe de MTEV à l’échographie par compression pendant le dépistage ou à partir de l’imagerie de routine dans les 30 jours précédant la randomisation.  Ont été exclus les patients présentant un risque élevé de saignement, les patients atteints de tumeurs cérébrales primitive et ceux dont l’espérance de vie était inférieure à 6 mois.

Une visite de suivi était réalisée à la 8e semaine, 16e semaine et à 180 jours ou à la fin de l’étude. L’échographie avec technique de compression a été également effectuée aux semaines 8 et 16 (+/- 7 jours), et à la fin de l’étude (+/- 3 jours).

Le critère composite principal d’évaluation était constitué de la survenue objectivement confirmée d’une thrombose veineuse profonde proximale symptomatique et asymptomatique sur un membre inférieur ou symptomatique sur membre supérieur ou distale sur membre inférieur, ou d'une embolie pulmonaire symptomatique ou d’un décès dû à un évènement TEV. Les analyses ont été réalisées sur l’ensemble de la période de suivi (180 jours) et sur la période de traitement (c’est-à-dire entre la première prise et la dernière + 2 jours).

Le critère principal d’évaluation sur le plan de la sécurité comprenait les saignements majeurs L’efficacité a également été évaluée durant la période d’intervention.

RÉSULTATS

Parmi les 1080 patients éligibles, 841 patients ont été randomisés en 2 bras : un bras rivaroxaban 10 mg x1/j (421) et un bras placebo (420). L’âge moyen était de 62ans.  Deux cents soixante-treize patients (32,6%) avaient un cancer du pancréas et 54.4% un cancer métastatique. La durée moyenne du traitement était de 4,3 mois. Dans le bras rivaroxaban, 43.7% des patients ont interrompu prématurément le traitement, contre 54.5% dans le bras placebo.

Sur les 180 jours de suivi (analyse en intention de traiter), le critère composite principal d’évaluation a concerné 25/420 (6%) des patients sous rivaroxaban et 37/421 (8,8%) de ceux sous placebo, soit un hazard ratio (HR) de 0,66 [0,40-1,09], (p=0,10).  Plus d'un tiers (24/62) des événements thrombo-emboliques veineux sont survenus après arrêt du traitement. Les analyses portant uniquement sur la période de traitement montraient que le critère principal d’évaluation était observé chez 11 patients (2,6%) dans le bras rivaroxaban et chez 27 patients (6,4%) dans le bras placebo (HR 0,40 [0,20, 0,80]), soit une réduction absolue du risque de 4%.

Des saignements non majeurs sont survenus chez 2,7% des patients sous rivaroxaban et 2,0% de ceux sous placebo (HR 1,34 [à 0,4-3,32]). Des saignements majeurs ont été notifiés chez 2,0% (n=8) des patients sous rivaroxaban et 1,0% (n=4) de ceux sous placebo, sans différence significative de risque : HR de 1,96 [0,59-6,49]. Ces derniers étaient le plus fréquemment d’origine gastro-intestinale (8 patients). Les effets indésirables sévères ont été similaires dans les deux groupes.

La mortalité toute cause était de 20% dans le groupe rivaroxaban, contre 23,8% dans le groupe placebo (HR 0,83 ; IC 0,62-1,11).

Discussion

Dans cette étude, le bénéfice du traitement prophylactique par rivaroxaban est détectable uniquement pendant la période de traitement avec une réduction absolue du risque de 4 %, en faveur du rivaroxaban, mais non significatif sur l’ensemble de la période de suivi de 180 jours. En effet, lorsque les patients interrompaient le médicament, les événements réapparaissaient. Il s'agit d'une population à haut risque, pour laquelle ce risque élevé perdure pendant la période complète des 6 mois. Dans cette étude, le risque hémorragique apparait comparable dans les 2 groupes.

Ces résultats sont cohérents avec les résultats des précédentes études randomisées PROTECHT et SAVE-ONCO qui ont comparé le bénéfice d’une prophylaxie par héparines de bas poids moléculaire (HBPM) versus placebo. Cependant la diminution du risque absolu de MTEV est de 4% dans cette étude alors qu’elle n’était que de 2 % environ dans les deux autres études. Ceci serait probablement en rapport avec l’inclusion de patients à plus haut risque dans l’étude CASSINI.

La principale limite de cette étude est le fort taux de sujets ayant arrêté prématurément le suivi (43,7% des patients sous rivaroxaban et 50,2% des contrôles).  

CONCLUSIONS

Chez les patients atteints de cancer, à risque thromboembolique intermédiaire ou élevé et débutant une chimiothérapie, le rivaroxaban 10mg par jour n’a pas été plus efficace que le placebo au cours d’un suivi de 6 mois. En revanche, pendant l’intervention (4,3 mois) le rivaroxaban a entraîné une moindre incidence de ces événements, avec une faible incidence de saignements graves.