Introduction
Pendant de nombreuses années, les survivants d’un arrêt cardiaque extrahospitalier sans cause extracardiaque évidente à l’arrêt étaient conduits immédiatement en salle de cathétérisme pour une coronarographie immédiate. Les dernières recommandations, en se basant sur des publications de grandes séries prônent toujours un rôle majeur pour la cardiologie interventionnelle dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque, mais modulent l’heure de la coronarographie en fonction du contexte et de l’ECG obtenu après retour en rythme sinusal.
L’étude COACT est la première étude randomisée étudiant le rôle immédiat de la coronarographie chez les survivants d’un arrêt cardio circulatoire extra hospitalier en l’absence d’un sus décalage du segment ST.
Type d’étude
Essai randomisé (1 :1) multicentrique interventionnel en 2 groupes parallèles.
Recrutement des patients dans 19 hôpitaux aux Pays-Bas.
Population étudiée
Adultes comateux après un arrêt cardiaque extra hospitalier (ACEH) avec rythme initial choquable (fibrillation ou tachycardie ventriculaire) mais sans étiologie évidente et sans sus-décalage du segment ST sur l’ECG post-arrêt cardiaque.
Principaux critères de non-inclusion : sus-décalage du segment ST (STEMI) ou autre cause extra-cardiaque évidente, état de choc.
Méthode
Comparaison des 2 stratégies suivantes :
Critères de jugement
Résultats essentiels
Entre janvier 2015 et juillet 2018, 552 patients ont été inclus et randomisés et 538 ont pu être analysés (14 (2,5%) retraits de consentement) : n=273 dans le bras « coronarographie immédiate » et n=265 dans le bras « coronarographie retardée ». Les 2 groupes étaient similaires concernant les principales caractéristiques démographiques, les antécédents, les conditions de survenue et de prise en charge de l’ACEH et la gravité à l’admission. Malgré l’absence de STEMI, l’ECG post-RACS montrait des signes évocateurs d’ischémie myocardique (sous-décalage du segment ST d’1 mm ou plus ou inversion de l’onde T dans 2 dérivations contiguës) dans environ 65% des cas. Un contrôle ciblé de la température a été réalisé chez environ 90% des patients. Le délai médian d’obtention de la température cible a été de 5,4 heures dans le groupe « coronarographie immédiate »et de 4,7 heures dans le groupe « coronarographie retardée » (ratio des moyennes géométriques : 1,19 ; IC95%, 1,04 – 1,36).
Une coronarographie a été réalisée chez 265 des 273 patients (97,1%) du groupe « coronarographie immédiate » et chez 172 des 265 patients (64,9%) du groupe « coronarographie retardée ». Le délai médian entre l’arrêt cardiaque et la coronarographie a été de 2,3 heures dans le groupe « coronarographie immédiate » et 121,9 heures dans le groupe « coronarographie retardée ». Une angioplastie coronaire a été effectuée chez 33,0% des patients du groupe « coronarographie immédiate » et chez 24.2% des patients du groupe « coronarographie retardée ».
La stratégie « coronarographie immédiate » ne s’est pas avérée supérieure à la stratégie « coronarographie retardée » sur le critère de jugement principal. A 90 jours, 176 des 273 patients (64,5%) du groupe « immédiat » et 178 des 265 patients (67,2%) du groupe « retardé » étaient vivants (OR0,89 ; IC95% 0,62 – 1,27 ; P=0,51).
Aucune différence significative n’a été détectée concernant les critères de jugement secondaires, et les analyses en sous-groupes n’ont pas montré d’interactions significatives entre les différents sous-groupes concernant le critère principal. Les seules hétérogénéités d’effets concernaient l’âge (P = 0,007 pour l’interaction) et l’existence d’antécédents coronaires (P = 0,009 pour l’interaction), populations chez qui la stratégie immédiate semblait supérieure.
Commentaires
Cette étude est la première étude randomisée multicentrique sur ce sujet et aura certainement un impact sur l’évolution des recommandations. Les résultats contredisent les données issues des études observationnelles préalables, qui suggéraient un bénéfice en termes de survie en faveur de la stratégie « coronarographie immédiate » (1-3). Cependant, ces études observationnelles souffraient possiblement d’un biais d’indication de la coronarographie (favorisant sa réalisation chez les patients avec bon pronostic), qui a pu conduire à surestimer le bénéfice réel de la « coronarographie immédiate ».
L’étude COACT confirme la forte prévalence des lésions coronaires (64,5% dans le bras « immédiat ») au sein de la population des adultes réanimés d’un ACEH sur fibrillation ventriculaire, mais montre également que la grande majorité de ces lésions sont des lésions chroniques et stables (5% seulement de lésions thrombotiques). Les résultats de l’étude COACT sont cohérents avec les résultats observés chez les patients présentant un syndrome coronaire aigu sans sus–décalage de ST, chez lesquels le bénéfice d’une stratégie invasive réalisée en urgence n’est pas démontré, en particulier pour ceux sans critère de gravité.
Conclusions
L’étude COACT confirme la forte prévalence des lésions coronaires chez les adultes victimes d’une fibrillation ventriculaire extra-hospitalière, mais lorsqu’il n’existe pas de sus-décalage du segment ST, la majorité des lésions sont des lésions chroniques stables et une stratégie d’exploration coronaire précoce n’est pas supérieure à une exploration retardée. Bien que cette étude soit de très bonne qualité, attention à ne pas généraliser ces résultats immédiatement : en effet, la population analysée était particulièrement sélectionnée et il conviendra de confronter ces résultats à ceux de plusieurs essais randomisés en cours.