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Prolongation d’un traitement par antivitamine K (AVK) pendant dix-huit mois versus placebo au décours d’un premier épisode de thrombose veineuse profonde proximale idiopathique traité six mois : Etude PADIS-DVT ( Dr Imtinen Ben Mrad )

Couturaud F, Pernod G, Presles E, et al. Six months versus two years of oral anticoagulation after a first episode of unprovoked deep-vein thrombosis. The PADIS-DVT randomized clinical trial. Haematologica 2019

Objectif

Après un premier épisode de thrombose veineuse profonde (TVP) proximale sans facteur déclenchant identifiable, le risque de récidive est élevé (9% par an).   La durée optimale du traitement anticoagulant n'est pas encore établie de façon rigoureuse. L’objectif de l’étude est de comparer l 'évolution de la maladie thrombotique après un traitement par antivitamine K (warfarine) de 6 mois versus 24 mois.

Méthodes

Il s’agit d’une étude multicentrique, prospective contrôlée sur la prolongation du traitement anticoagulant (AC) par AVK après un premier épisode de TVP proximale idiopathique traité par une anticoagulation conventionnelle pendant 6 mois. Après 6 mois de traitement, les patients ont été randomisés en deux groupes parallèles à recevoir soit une AVK (INR entre 2-3), soit un placebo pendant 18 mois. L’étude a été conduite en double aveugle, une procédure ayant permis de générer des INR factices chez les patients sous placebo. A la fin de la période de traitement de 18 mois, les patients ont été suivis pendant 24 mois en médiane.

Le critère de jugement principal, composite, associait la récidive thromboembolique veineuse (non fatale et fatale) et les saignements majeurs (non fatal et fatal) pendant la période de traitement. Les critères de jugement secondaires étaient recherchés sur une analyse effectuée à 42 mois : il s'agissait des mêmes critères de jugement que ceux du critère principal soit considérés d'une façon composite soit isolément auxquels on ajoutait le taux de mortalité en dehors d'une cause liée à une embolie pulmonaire ou une hémorragie majeure.

Résultats :

De juillet 2007 à octobre 2013, 104 patients d’un âge moyen de 60 ans ont été inclus dans une analyse en intention de traiter, aucun n’ayant été perdu de vue.  

Le délai médian de suivi a été de 23,6 mois pour la période de traitement (identique dans le groupe warfarine ou le groupe placebo) et de 41,2 mois globalement. Dans le groupe warfarine, l'INR était dans la zone thérapeutique (comprise entre 2 et 3) dans 70,3 % des cas, en-dessous ou au-dessus de la zone thérapeutique dans 19,1 et 10,6 % des cas respectivement.

Sur l'analyse effectuée à 18 mois en intention de traitement, le critère principal n’a été observé chez aucun des patients du groupe warfarine (0/50) et a été noté chez 16/54 patients du groupe placebo soit un risque cumulatif de 29,6% sous la forme de récurrences thrombotiques sans hémorragie majeure. La différence était hautement significative (HR : 0,03 (IC 95% : 0,01-0,51) ; p < 0,001). Une réduction significative de 97% du risque de récidive dans le groupe AVK comparé au placébo. 

Sur la période de 42 mois, la survenue des critères composites a été notée chez 14/50 patients du groupe warfarine soit un risque cumulatif de 36,8 % et chez 17/54 patients du groupe placebo représentant un risque cumulatif de 31,5 %, la différence n'étant pas significative (HR : 0.72 (IC 95% : 0.35-1.46) ; p=0,36).

Discussion

Cette étude montre que le prolongement de la thérapeutique anticoagulante 18 mois de plus permet de diminuer significativement le risque de récidive sans surrisque hémorragique pendant la phase d’anticoagulation mais à l’arrêt de celle-ci, le risque s’égalise.

PADIS-DVT suggère également que l’AC ne semble que repousser la récidive thromboembolique, cette dernière survenant à l’arrêt du traitement dans la même proportion, quelle que soit la durée de l’AC. La leçon à tirer, c’est que si l’on ne décide pas de traiter le patient à vie, il est inutile de le traiter pendant plus de six mois.

En comparaison avec l’étude PADIS-EP et d’autres études randomisées ayant évalué le bénéfice d’une anticoagulation prolongée , le taux de rechutes dans le groupe placebo (de 37 % à 18 mois) peut sembler élevé mais il correspond probablement à un biais de recrutement puisqu'en France ce sont les patients les plus graves qui sont hospitalisés pour le traitement d'une TVP autrement traitée en ambulatoire ; il faut remarquer aussi un pourcentage élevé à 22 % d'anomalies graves de thrombophilie (anticorps anti-phospholipides, anomalies V et II Leiden à l'état homozygote) chez les patients de cette étude, la présence de telles anomalies n'ayant pas été considérée comme un critère d'exclusion. Ce taux de rechutes est identique à celui d'autres cohortes d'essais thérapeutiques avec les mêmes caractéristiques (Études LAFIT et ELATE).

La principale limite de l’étude était le nombre relativement restreint de patients inclus du fait d'un faible rythme de recrutement ayant motivé un arrêt anticipé de l'étude. Une autre limite est celle du caractère composite du critère principal de jugement.

Des études futures devront donc rechercher si le traitement anticoagulant doit être poursuivi sur le long cours selon des modalités affinées : rôle de la surveillance du taux des D-Dimères, marqueur de risque thrombotique (ce qui n'avait pas été considéré dans cette étude) ,  prise en compte de l'existence ou non d'anomalies de thrombophilie sévère et l'avènement des nouveaux antithrombotiques directs par voie orale, plus maniables sur le long cours potentiellement plus efficaces et grevés de moins de complications hémorragiques

Conclusion : après un premier épisode de TVP proximale traité par warfarine pendant 6 mois, la poursuite d’un traitement par warfarine de 18 mois diminue (et même annule) l’apparition d'une récidive thrombotique sans survenue d'hémorragie majeure. Cependant cet effet bénéfique n’est pas maintenu après arrêt du traitement anticoagulant.