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Hypertension artérielle : des études qui peuvent changer nos pratiques en 2020 ( Dr Selma Charfeddine )

Les diurétiques thiazidiques et le risque de cancer cutané : que dire au patient ?

Les diurétiques thiazidiques sont parmi les antihypertenseurs les plus prescrits. Compte tenu de leurs effets photosensibilisants, cependant, il est à craindre qu’ils augmentent le risque de cancer de la peau. Une récente méta-analyse [1], a étudié l’association entre l'utilisation de diurétiques thiazidiques et le risque de cancer cutané.

Elle a identifié les études au niveau de trois bases de données électroniques (PubMed, EMBASE et la bibliothèque Cochrane) de leur création au 30 octobre 2017. Neuf études observationnelles pertinentes (sept études cas-témoins et deux études de cohorte) ont été incluses dans cette étude. Étant donné qu'il était peu probable que les études incluses soient fonctionnellement égales, les estimations groupées ont été calculées à l'aide d'une méta-analyse à effets aléatoires.

Les résultats ont montré que l'utilisation de diurétiques thiazidiques a été associée à un risque accru de carcinome épidermoïde (odds ratio ajusté (OR) 1,86; intervalle de confiance à 95% (IC), 1,23 à 2,80) et à un risque légèrement accru de carcinome basocellulaire (OR 1,19; IC à 95%, 1,02 - 1,38) et mélanome malin (OR, 1,14; IC à 95%, 1,01 - 1,29). Dans l'analyse du sous-groupe, l'hydrochlorothiazide isolé ou l'association médicamenteuse comportant un hydrochlorothiazide étaient significativement associés au carcinome épidermoïde sans hétérogénéité significative entre les études.

Les résultats de cette métanalyse suggèrent que l'utilisation de diurétiques thiazidiques peut être associée à un risque accru de cancers de la peau. Cette association était la plus importante entre l'utilisation d'hydrochlorothiazide et le risque de carcinome épidermoïde. Néanmoins, d'autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

Les données ont été analysées au niveau européen et l’Agence européenne des médicaments [2] a conclu que le risque de cancer cutanée était associé à de fortes doses cumulées > 50 g d’hydrochlorothiazide. Ainsi, les patients qui prennent de l’ hydrochlorothiazide seul ou en association avec d’autres médicaments doivent continuer leur traitement et :

  • vérifier régulièrement l’état de leur peau afin de détecter toute nouvelle lésion ou modification de lésion existante
  • faire examiner les lésions cutanées suspectes par leur médecin
  • limiter l’exposition au soleil et aux rayons UV et avoir une protection adéquate en cas d’exposition solaire pour réduire les risques de cancers de la peau.

 

Quelle meilleure association médicamenteuse antihypertensive pour les patients de race noire vivant en Afrique sub-saharienne ?

La prévalence de l'hypertension chez les patients noirs africains est élevée, et ces patients ont généralement besoin de deux médicaments ou plus pour contrôler la tension artérielle. Cependant, l’association médicamenteuse la plus efficace actuellement pour le contrôle de la pression artérielle chez ces patients n'a pas été établie.

Dans l’étude CREOLE, un essai randomisé [3] qui a inclus 728 patients noirs souffrant d'hypertension non contrôlée (≥140 / 90 mm Hg alors que le patient n'était pas traité ou ne prenait qu’un antihypertenseur) répartis en trois groupes mené dans six pays d'Afrique subsaharienne pour recevoir un régime quotidien de 5 mg d'amlodipine plus 12,5 mg d'hydrochlorothiazide, 5 mg d'amlodipine plus 4 mg de périndopril ou 4 mg de périndopril plus 12,5 mg d'hydrochlorothiazide pendant 2 mois. Les doses ont ensuite été doublées (10 et 25 mg, 10 et 8 mg, et 8 et 25 mg, respectivement) pendant 4 mois supplémentaires. Le principal critère d'évaluation était la variation de la pression artérielle systolique ambulatoire sur 24 heures entre la valeur initiale et 6 mois.

L'âge moyen des patients était de 51 ans et 63% étaient des femmes. Parmi les 621 patients qui ont subi une surveillance de la pression artérielle sur 24 heures au départ et à 6 mois, ceux recevant amlodipine plus hydrochlorothiazide et ceux recevant amlodipine plus périndopril avaient une pression artérielle systolique ambulatoire significativement plus basse que ceux recevant périndopril plus hydrochlorothiazide (p = 0,03; p= 0,04 , respectivement). La différence entre le groupe recevant l'amlodipine plus l'hydrochlorothiazide et le groupe recevant l'amlodipine plus le périndopril n’était pas statistiquement significative (p = 0,92). Des effets différentiels similaires sur la pression artérielle diastolique à la consultation et en ambulatoire, ainsi que sur le contrôle de la tension artérielle et les taux de réponse, étaient apparents dans les trois groupes.

Ces résultats suggèrent que chez les patients noirs en Afrique subsaharienne, l'amlodipine plus l'hydrochlorothiazide ou le périndopril étaient plus efficaces que le périndopril plus l'hydrochlorothiazide pour abaisser la pression artérielle à 6 mois. L’effet bénéfique de l’amlodipine pourrait être expliqué par une meilleure biodisponibilité de monoxyde d’azote chez les patients de race noire.

Quoi de neuf concernant la chronothérapie du traitement anti-hypertenseur ?

L'essai de chronothérapie Hygia [4] a été conçu pour tester si la prise du traitement antihypertenseur le soir exerce une meilleure réduction du risque de maladie cardiovasculaire (MCV).

Il s’agit d’un grand essai multicentrique prospectif contrôlé, qui a inclus 19 084 patients hypertendus (10 614 hommes / 8470 femmes, 60,5 ± 13,7 ans). Ces patients ont été randomisés (1: 1) pour recevoir la dose quotidienne totale de ≥ 1 médicament contre l'hypertension le soir au coucher (n = 9552) ou le matin au réveil (n = 9532). À l'inclusion et à chaque visite programmée à la clinique (au moins une fois par an) tout au long du suivi, une surveillance ambulatoire de la pression artérielle a été effectuée. Au cours du suivi médian des patients de 6,3 ans, Le critère de jugement primaire (décès par MCV, infarctus du myocarde, revascularisation coronarienne, insuffisance cardiaque ou accident vasculaire cérébral) a été colligé chez 1752 participants. Les patients prenant le traitement au coucher ont montré un risque significativement plus faible de MCV [0,55 (IC à 95% 0,50-0,61), p <0,001] et chacune de ses composantes individuelles (p <0,001 dans tous les cas) ), à savoir décès par MCV [0,44 (0,34–0,56)], infarctus du myocarde [0,66 (0,52–0,84)], revascularisation coronarienne [0,60 (0,47–0,75)], insuffisance cardiaque [0,58 (0,49–0,70)] et accident vasculaire cérébral [ 0,51 (0,41–0,63)]. Ce risque était ajusté par rapport aux caractéristiques significativement influentes à savoir l'âge, le sexe, le diabète de type 2, la maladie rénale chronique, le tabagisme, le HDL cholestérol, la pression artérielle systolique nocturne, la baisse relative de la PA systolique relative au temps de sommeil et un événement antérieur de MCV.

En se basant sur les données de cette étude, la prise du traitement antihypertenseur le soir au coucher améliore le contrôle de la pression artérielle ambulatoire (diminution significative de la PA nocturne et une meilleure baisse relative de la PA pendant le sommeil) et surtout, diminue nettement les événements CV majeurs.

 

  1. Doosup Shin, et al. Association Between the Use of Thiazide Diuretics and the Risk of Skin Cancers: A Meta-Analysis of Observational Studies. J Clin Med Res. 2019;11(4):247-255
  2. Risque de cancers de la peau associés aux médicaments contenant de l’hydrochlorothiazide. Site ansm.sante.fr
  3. D.B. Ojji, B. Mayosi et al. Comparison of Dual Therapies for Lowering Blood Pressure in Black Africans. N Engl J Med 380;25. June 20, 2019
  4. Ramo´n C. Hermida et al. Bedtime hypertension treatment improves cardiovascular risk reduction: the Hygia Chronotherapy Trial. European Heart Journal. October 2019